Tradition: Blou tê ou incitation au plannig familial
- Par Akina De Kouassi
- 23 Oct. 2020
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L’Afrique regorge d’un riche patrimoine culturel qui fait sa fierté. Cependant, bon nombre d’aspects de ses traditions appelés à disparaître aujourd’hui constituent une véritable tâche noire dans l’histoire des peuples africains.
Dans ce présent dossier, Djasso.com se propose de lever le voile sur une pratique ancestrale qui a fait beaucoup de victimes chez les peuples Akan, par le passé.
Alors que nous assistons (avec joie pour les conservateurs), à un retour à la tradition, dont la campagne est menée sur les réseaux sociaux par de jeunes africains qui se font appeler « Kamites », nous sommes invités à jeter un regard rétrospectif sur certaines pratiques des peuples africains, avant que celles-ci ne soient influencées par le brassage culturel avec l’occident et le Moyen-Orient.
Cette investigation n’a donc point pour but de dénigrer une quelconque tradition africaine. Encore moins, de saboter le projet salvateur des Kamites sur les réseaux sociaux. C’est d’ailleurs une contribution pour une prise de conscience collective, pour parfaire nos pratiques culturelles. Ce n’est pas non plus un réquisitoire que nous faisons contre nos ancêtres, instigateurs de ces pratiques. Il est clair que l’homme est un être de raison, qui évolue en se perfectionnant. De quoi s’agit-il ?
Blou Tê ou le dixième-mauvais.
« Beaucoup d’atrocités ont été commises par le passé par nos ancêtres, au nom de la tradition ». C’est avec cette phrase que commence le doyen Aklou, que nous avons rencontré à Anoumabo, dans la commune de Marcory à Abidjan lorsque nous avons abordé le sujet sur le dixième-mauvais.
Le septuagénaire Aklou est d’ethnie Agni, ethnie du groupe Akan, qu’on retrouve en majorité à l’est de la Côte d’Ivoire. Il nous expliquait par la suite que par le passé, chez certains peuples Akan les dixièmes enfants qu’une femme mettait au monde étaient systématiquement assassinés.
Cette pratique était nommée « Blou Tê » qui signifie littéralement, le dixième-mauvais. En effet, dans la numérologie Akan, le chiffre 9 désigne l’Eternité. Ainsi, dans les rites d’initiation traditionnelle, le chiffre 9 est sacré, car il symbolise la création.
Poursuivant ses explications, le doyen Aklou fait remarquer cette évidence mathématique. Quel que soit le nombre par lequel vous multipliez 9, vous obtenez le chiffre éternel 9. C’est le seul chiffre qui donne ce résultat:
9x2= 18 ce qui donne 1+8= 9
9x3= 27 ce qui donne 2+7= 9
9x7= 63 ce qui donne 6+3= 9
9x14= 126 ce qui donne 1+2+6 = 9
9x104= 936 ce qui donne 9+3+6=18=1+8= 9
9x14658= 131 922 ce qui donne 1+3+1+9+2+2= 18=1+8= 9
« Les anciens estimaient qu’aller au-delà du chiffre 9, c’est s’opposer aux normes de la vie. Alors pour rétablir l’ordre, il fallait exterminer l’enfant qui vient après le neuvième », renchérit-il. Ces affirmations sont-elles fondées ?
En tout cas, selon notre interlocuteur, il s’est passé dans le temps des cas de famine, de sècheresse et d’autres calamités dans des villages où une femme a mis au monde un Blou Tê. Les mânes, consultés, affirmaient que cela était dû à la colère des ancêtres dont les prescriptions n’étaient pas respectées par leurs descendants. « Mais, aussitôt que le Blou Tê était exterminé que le village retrouvait sa quiétude. » Mythe ou réalité ?
Blou Tê ou le planning familial ?
Mami Ahou est vendeuse de vin de palme à Koumassi. Membre d’une confrérie traditionnelle « Adjanou », Mami Ahou à la soixantaine. Selon elle, le Blou Tê était en effet, un moyen de limitation des naissances.
« Nos parents ont compris très tôt que l’humanité connaîtrait des problèmes liés à l’accroissement des populations. Aujourd’hui nous vivons cette expérience. La vie devient de plus en plus chère, la demande est plus forte que l’offre à cause du nombre pléthorique de la population », nous précise-t-elle.
Pour Mami Ahou, pour prévenir cette croissance démographique, les ancêtres ont instauré le Blou Tê, interdisant une femme de mettre au monde à elle seule, plus de neuf enfants. Ce principe, dit-elle, est à titre dissuasif.
« Pour éviter qu’on tue l’enfant que tu as eu du mal à concevoir dans tes entrailles pendant neuf mois, tu tâcheras à te limiter à tes neuf enfants. » Indique Mami Ahou, avant d’ajouter que « la coutume ne vise pas à nuire l’homme, mais à réglementer la vie et la rendre harmonieuse. »
A priori, cet argument semble pertinent. Par contre, une remarque nous amène à poursuivre nos spéculations. Car, si le dixième enfant était exécuté pour prévenir une croissance démographique, le onzième qui naît ne subit pas le même sort que le précédent.