Burkina Faso : Kebe Fatoumata Tamboura, quand la passion devient une profession.

  • Par Akina De Kouassi
  • 11 Juil. 2019
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Kebe Fatoumata Damboura, quand la passion devient une profession.


A la faveur de la 5è édition du Festival des Meilleurs Instrumentistes d’Afrique où elle conduisait sa troupe, Faso Djarabi, nous avons rencontré Kébé Fatoumata Tamboura qui a bien voulu partager avec Djasso.com son expérience de musicienne et présidente d’un groupe artistique.

Présentez-vous aux internautes de Djasso.com

Je suis Madame Kebe née Fatoumata Tamboura, je suis le manager de la troupe artistique « Faso Djarabi » au Burkina Faso.

Vous êtes responsable d’une troupe artistique qui a une renommée internationale dans le domaine des instruments de musique traditionnels africains. Pourriez-vous nous faire la présentation de ce groupe ?

Faso Djarabi est une troupe artistique créée en 2000, faite d’artistes pluridisciplinaires, Faso Djarabi est l’expression de la musique et de la danse traditionnelle.

Comment s’est faite la composition de cette troupe ? Autrement dit, quels sont ceux qui composent cette troupe ?

Après la création de la troupe Faso Djarabi, nous avons créé une association qui porte le même nom. Donc, la troupe a en son sein une association qui œuvre à promouvoir la culture à travers la formation des jeunes dans la fabrication des instruments, leur apprendre à jouer à ses instruments tels que le Djembé, le balafon, la flute… Ce sont des instruments aussi que nous jouons au sein du groupe. Avec l’association, nous formons les enfants de sorte à pérenniser notre culture. Et comme je le disais tant tôt, la troupe est faite d’artistes pluridisciplinaires. Ils sont tous issus de familles de griots. C’est-à-dire qu’ils composent avec la musique depuis leur tendre enfance. Ils ont au fur et  à mesure affiné leurs talents auprès des aînés et autres artistes de renom.

Vous personnellement, comment êtes-vous entrée dans le milieu artistique jusqu’à diriger aujourd’hui une troupe d’une si grande renommée, composée d’artistes aux talents exceptionnels ?  

Je suis rentrée dans ce milieu d’abord par amour. C’est vrai que ma maman, elle est aussi griotte, mais elle n’en a pas fait une profession. Or moi, c’est par amour que je suis venue dans la culture. Mon frère y était déjà dès le bas âge. A travers la musique qu’il faisait régulièrement à la maison et ses concerts auxquels il me permettait de participer de temps en temps, j’ai fini par être piquée par le virus de l’art. J’ai en mémoire qu’un jour je l’ai accompagné à un concert avec sa troupe. Et ce jour-là, il y a un instrumentiste qui n’était pas présent dans leur troupe. Et sur scène, son absence s’est fait constater. C’était celui qui jouait au « Doom Doom ». Ils avaient l’habitude de jouer à trois, avec l’absence de ce musicien, ils ont joué à deux et ça été vraiment une cacophonie. Je me suis dit, « pourquoi ne pas apprendre à jouer à cet instrument ? » Je l’ai fait savoir à mon frère. Je lui ai dit que si je savais jouer, ma présence à ses côtés aurait pu aider à tirer l’épingle du jeu. Et lui il n’a pas été contre. C’est ainsi qu’il a commencé à m’apprendre à jouer au Doom Doom à la maison. Au début ça n’a pas été du tout facile. Mais au bout de six bons mois, j’ai commencé à faire mes preuves. On a fait un concert qui s’est très bien passé. Et là, c’était dans les années 97 à 2000, où j’étais l’une des rares femmes au Burkina Faso à jouer au Doom Doom dans un groupe d’hommes. C’est comme ça  que j’ai commencé mon petit chemin avec l’art. Mais je vous avoue que l’art, c’est comme la drogue, quand tu commences, difficile d’arrêter. (Rire)

Comment était votre état d’esprit avant de monter sur la scène pour la première fois ? 

Mon état d’esprit ? (Rire)

J’avais peur, j’avais peur de ne pas y arriver, de décevoir mon frère.  Avant de commencer le spectacle, j’ai fait savoir ma peur à mon frère. Il m’a conseillé de boire un peu d’eau avec un carreau de sucre. Et c’est ce que j’ai fait avant de monter sur scène où j’ai donné le meilleur de moi-même. Suivant ses conseils, je faisais comme s’il n’y avait personne en face de moi, comme si j’étais avec lui à la répétition. C’était la première fois qu’on voit une femme parmi les hommes jouer au Doom Doom. Après le spectacle j’ai été ovationnée par le public.

Quels sont les spectacles auxquels vous avez fait participer le groupe Faso Djarabi ?

Au plan national, on a participé à beaucoup de festivals. Notamment pour les animations au Fespaco, on a participé aux nuits atypiques de Koudougou, nous sommes des habitués du SIAO, ainsi que la fête de la musique. Avec un bon nombre de festivals auxquels nous avons participé. Au plan international, disons dans la sous-région, on a été trois fois de suite à Cotonou pour un festival. Au Mali on a été au festival de percussion, on a été au Ghana dans le cadre d’une tournée. Nous sommes venus récemment du Nigéria où on a participé à un festival dénommé « Africa Drum Festival ». Un festival qui ne fait rien d’autre que de la percussion. A ce festival, le Burkina Faso a été représenté pour la première fois par la troupe Faso Djarabi.

Y a-t-il d’autres trophées que vous avez reçus depuis votre existence ?

On a reçu des distinctions. Des distinctions au plan national et international.  Récemment au Nigéria par exemple. En 2016, on a participé à un concours, là, on a eu le troisième prix parce qu’il fallait interpréter des musiques sur des instruments modernes. Nous l’avions fait sur des instruments traditionnels. Ce qui nous a pénalisés aux délibérations. Après ça, on évite les concours ; on participe à des festivals, on fait des tournées, mais on évite de participer à des concours. Pas parce qu’on n’a pas confiance en nous, c’est parce que j’ai une autre vision des concours.

Vous êtes femme au foyer, mère de famille. Comment vous réussissez à allier votre profession qui vous rend presqu’indisponible avec nos tâches de mère et de femme au foyer ?

Ma vie de femme au foyer et le boulot : en fait, c’est une question d’organisation. Pour le moment, je rends grâce à Dieu parce que j’arrive à combiner les deux tant bien que mal. C’est vrai qu’on n’est pas toujours parfait, mais j’ai la chance d’avoir un homme qui me comprend  très bien, qui a confiance en moi, à qui je réitère mes remerciements. J’ai des enfants de 18 et 14 ans.  Mon absence ne leur cause pas un grand problème. Ils s’en sortent bien, ils vont à l’école.

Nous sommes à la veille de la célébration des mères. Dites-nous, pour vous quels sont les caractéristiques d’une bonne mère ?

Ah là, ça c’est une question. (Rire)

Selon moi, les caractéristiques d’une bonne mère, ce n’est ni la beauté, ce n’est ni l’intelligence, c’est carrément le caractère d’une femme. C’est-à-dire, celle qui est battante, celle qui est prête à tout dans la dignité pour ses enfants et être disponible pour ceux-ci. Celle qui sait être un modèle pour ses enfants.

Vous êtes une actrice, je dirai confirmée dans la promotion de la culture de votre pays à travers des instruments de musique propre à ce pays. Dites-nous, comment la culture peut contribuer à l’éducation des enfants.

 La culture est un très grand facteur dans l’éducation des enfants. Quand on a reçu une très bonne éducation culturelle, ça nous permet de comprendre beaucoup de choses. Ça nous permet de nous en sortir face à n’importe quel obstacle de la vie. Je prends l’exemple du théâtre. Quelqu’un qui est très bon comédien, je dis comédien et pas humoriste, il sait comment réagir face à un problème. Face à n’importe quelle situation, il sait comment réagir pour ne pas frustrer, ni vexer quelqu’un. C’est pareil avec les instruments traditionnels que nous jouons. Ça requiert la maitrise de soi, et la maitrise de l’instrument. Quelqu’un qui peut bien se maitriser, peut bien maitriser un instrument. Ça contribue à éveiller l’enfant et lui permet de découvrir le monde autrement. A ne pas divaguer dans une culture qui n’est pas la nôtre. Nous sommes vieillissants, il faut que la relève soit assumée pleinement.

 

 

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